Publié le 26 avril 2018 Mis à jour le 3 octobre 2019

Un texte de la Minute Recherche par Irène Till-Bottraud (GEOLAB). En moyenne montagne, les prairies régressent avec la disparition des activités agricoles (pâturage, fauche), entraînant la régression voire la disparition des espèces dépendantes de ces milieux. C’est le cas du chardon bleu des Alpes ...

En moyenne montagne, les prairies régressent avec la disparition des activités agricoles (pâturage, fauche), entraînant la régression voire la disparition des espèces dépendantes de ces milieux. C’est le cas du chardon bleu des Alpes (Eryngium alpinum), espèce menacée qui pousse exclusivement dans les couloirs d’avalanches ou les prairies de fauche tardive. Dans les zones difficiles d’accès (loin des routes ou avec de fortes pentes), la fauche est abandonnée et les prés sont recolonisés par la forêt, ou remplacés par du pâturage. Le bétail consomme alors les plantes avant qu’elles puissent produire leurs graines. Pour conserver l’espèce, des compensations financières sont offertes aux éleveurs pour qu’ils continuent à faucher (parfois manuellement) ou retardent le début du pâturage.

Depuis l’année 2000, nous suivons des peuplements de chardons bleus soumis à différentes pratiques agricoles (abandon, fauche tardive, pâturage précoce ou tardif), en Vanoise (Pralognan, Savoie) et dans les Ecrins (l’Argentière, Hautes-Alpes). Nos résultats confirment que les conditions de fauche ou de pâturage tardifs sont favorables à l’espèce, alors que le pâturage précoce et son abandon lui sont défavorables. Nous avons aussi estimé le revenu associé à chacune de ces pratiques. Dans ces zones difficiles d’accès, les agriculteurs fauchent « à perte ». Le pâturage apporte un revenu acceptable, surtout s’il est précoce. La viabilité du chardon bleu et celle des activités agro-pastorales sont donc en opposition.

Est-il possible de concilier agriculture de montagne et conservation du chardon bleu ? Grâce aux données collectées depuis plus de 10 ans, nous avons simulé la viabilité de peuplements de chardons bleus soumis à différentes combinaisons de pratiques agricoles (par exemple alternance fauche/pâturage). Nous avons aussi calculé le revenu associé à ces combinaisons pour identifier des solutions optimales à la fois pour la survie de l’espèce et pour les éleveurs. À Pralognan, où l’éloignement à la route rend le ramassage du foin très coûteux, un compromis ne semble possible qu’avec une aide financière permettant de renoncer aux revenus du pâturage, donc bien supérieure à celle actuellement offerte aux éleveurs. À l’Argentière, en revanche, une alternance fauche/pâturage semble optimale.

La robustesse de ces conclusions est liée à la longue série de données accumulées (depuis 2000), mais la conservation des espèces menacées n’est pas qu’une affaire de biologie ou d’écologie. L’intérêt de nos résultats réside dans la combinaison de données écologiques et économiques qui permet de proposer des recommandations concrètes pour la gestion des écosystèmes, au niveau technique et économique.


Partenaires :

  • CEFE UMR 5175, EPHE, PSL Research University, CNRS, Université de Montpellier, Université Paul-Valéry Montpellier, Biogéographie et Ecologie des Vertébrés, 1919 route de Mende, F-34293 Montpellier, France.
  • LECA, Laboratoire d’Écologie Alpine, Université Grenoble Alpes, CNRS, F-38000 Grenoble, France
  • BIOTOPE, 22 bd Maréchal Foch - BP58, 34140 Mèze, France
  • Parc National de la Vanoise
  • Parc National des Ecrins
  • Conservatoire Botanique National Alpin
  • Office National des Forêts