Publié le 20 mai 2021 Mis à jour le 20 mai 2021

Un texte de la Minute Recherche par David Balayssac et Marie Selvy (NEURO-DOL, unité mixte de recherche Inserm / Université Clermont Auvergne).

L'oxaliplatine est un anticancéreux majeur dans le traitement du cancer colorectal. Cependant, l’oxaliplatine fait partie des médicaments anticancéreux les plus neurotoxiques et entraine ce que l’on appelle des neuropathies périphériques chimio-induites. Cet effet indésirable se traduit par des sensations anormales et désagréables dans les mains et les pieds pouvant être très handicapantes pour les patients (fourmillements, picotements, engourdissements et douleurs). Peu de données sont disponibles sur la persistance et les conséquences à long terme de cet effet indésirable. Ceci représente un problème majeur de santé publique car ces patients ayant eu un cancer colorectal représentent la troisième plus grande population de survivants du cancer.

Cette étude a été menée dans 16 hôpitaux français pour évaluer la persistance de cette neuropathie chez les patients ayant eu un cancer colorectal, traités par oxaliplatine, et ayant fini leur traitement depuis au maximum 5 ans. La présence de douleurs ainsi que la consommation d’antidouleurs comme la duloxétine, qui est l’antidouleur de référence pour les neuropathies (recommandations internationales) ont été recherchées. Enfin, l’impact de cette neuropathie sur la détresse psychologique (anxiété, dépression et qualité de vie) a été exploré chez ces patients.

Parmi les 406 patients inclus dans l’étude, 31,3% d’entre eux avait une neuropathie chimio-induite (39,7% la première année et 26,6% la cinquième année après la fin de la chimiothérapie). Des douleurs ont été retrouvées chez 36,5% des patients souffrant de neuropathie. Très peu de patients neuropathiques étaient traités par des antidouleurs et aucun par la duloxétine. Enfin, 51,9% des patients souffrant de ces neuropathies présentaient des signes d’anxiété, et 31,5%, des signes de dépression. La qualité de vie était aussi clairement diminuée chez ces patients.

Les neuropathies périphériques chimio-induites sont de réelles « séquelles » liées aux traitements anticancéreux. Jusqu’à 5 ans après la fin de la chimiothérapie, un quart des patients souffraient encore de cet effet indésirable. Malheureusement, peu ou pas d’amélioration de la neuropathie n’a été mis en évidence au cours du temps. Enfin, cette étude a montré que les douleurs de ces patients neuropathiques étaient très peu prises en charge.

Beaucoup reste à faire pour améliorer la qualité de vie des patients atteints de ce type d’effets indésirables lié à la chimiothérapie. D’une part, il serait nécessaire d’améliorer le repérage de ces patients pour proposer une prise en charge précoce. D’autre part, le développement d’innovations thérapeutiques est aujourd’hui plus que jamais nécessaire.